Ce n’est une secret pour personne : en matière de mutation immobilière, face aux taux exorbitants de taxation, certains acquéreurs sont tentés de s’entendre directement avec le vendeur pour dissimuler une partie du prix au fisc.
Autant de gagné, pensent-ils…
Ce serait satisfaire à une vision à bien court terme que de raisonner de cette manière.
Déclarer un prix inférieur à celui qui a réellement été convenu entre parties peut coûter cher.
VOICI AU MOINS DIX RAISONS POUR ÉVITER D’AGIR DE LA SORTE :
1) Il s’agit ni plus ni moins que de fraude fiscale, passible d’amendes importantes, mais également de peines de prison…
La sensation d’impunité que certains peuvent ressentir face à une pratique qu’ils ressentent comme relativement courante est en réalité illusoire.
2) Depuis quelques années, les taux de taxation, parmi les plus élevés d’Europe, ont été diminués.
Les modalités de taxation varient selon les Régions.
Un taux de 12,5 % sur la valeur vénale (ramené à 10 % en Flandre) est en vigueur.
Mais ces pourcentages doivent être relativisés.
En ce qui concerne la Région bruxelloise, par exemple, des abattements (60.000 ou 75.000 euros) à prélever sur la base taxable ont été prévus tandis que le taux de 6 % appliqué aux habitations modestes, encore d’actualité en Wallonie, a été ramené à 5 % en région flamande. De manière générale, une dissimulation de prix offre en conséquence moins d’avantages que par le passé.
3) Dans l’immense majorité des cas, l’acquéreur finance, en tout ou partie, son acquisition par le biais d’une ouverture de crédit hypothécaire.
L’organisme prêteur pourrait légitimement s’étonner de la trop grande différence entre la valeur retenue par son expert et celle déclarée dans le compromis.
Or, afin de mieux conforter leur gage, entre ces deux données, certaines banques ne retiennent que la valeur la moins élevée.
Si tout le prix n’a pas été déclaré, ce sera la valeur mentionnée dans le compromis de vente qui sera prise en compte.
Il en résultera une diminution de l’importance des fonds prêtés, ce qui diminue le potentiel d’emprunt de l’acquéreur, mais peut également majorer le taux de celui-ci puisque la quotité empruntée (le pourcentage par rapport au prix) sera plus élevée.
4) Lorsque l’argent n’est pas donné à la signature du compromis, il arrive que le vendeur souhaite faire signer à l’acquéreur un document confidentiel pour garder une « preuve » de la dette.
Par définition, cet écrit ne reflétera jamais la vérité.
Dans ce domaine, la jurisprudence (ensemble des jugements) nous enseigne que l’imagination des fraudeurs est sans limite (convention de prêt, de vente de meubles, signature de deux compromis qui mentionnent chacun un prix différent, etc.).
Dans tous les cas, si une enquête est initiée, ce type de documents renforcera presque toujours la thèse selon laquelle de l’argent a été glissé « sous le boisseau ».
On serait étonné de voir le nombre de ces documents « bidons » mentionner comme par hasard un montant qui équivaut à un pourcentage « rond » du prix de vente.
5) Compromis de vente vaut vente.
Mais cela ne veut pas toujours dire que l’acte authentique se signera.
Sans entrer dans les détails, un acquéreur peut s’avérer défaillant (crédit refusé, une clause du compromis prévoit la faculté de se désister contre dédommagement, etc.).
Si l’affaire ne se signe pas, l’acquéreur dépendra du bon vouloir du vendeur pour récupérer son argent donné « sur le côté ».
Il lui sera évidemment impossible de réclamer en justice des sommes versées en infraction de la loi.
Ce principe était déjà consacré en droit romain sous l’adage « nemo allegans suam turpitudinem (personne ne peut alléguer de sa propre turpitude (en justice).
6) Tout argent « non connu » viendra en sus de l’acompte, lequel s’élève généralement à 10 % du prix, même si ce pourcentage correspond plus à un usage qu’à une obligation.
C’est autant en plus à prévoir et engager à un moment souvent caractérisé par une certaine précipitation : celui de la signature de l’option et du compromis.
7) Vis-à-vis du fisc, le vendeur ne pourra forcément pas justifier de la provenance des fonds occultes si une enquête devait révéler le pot aux roses.
Idem pour l’acquéreur : s’il utilise ou dépense cet argent, il ne pourra pas fiscalement le justifier… Contrairement à une idée largement répandue, les employés et fonctionnaires sont autant susceptibles d’être contrôlés que les indépendants.
8) Pour diverses raisons (mutation professionnelle, soucis financiers, achat d’une autre maison, divorce, décès, etc.), il peut arriver qu’un bien immobilier initialement acheté pour la vie doive finalement faire l’objet d’une revente rapide.
Dans certains cas, la plus-value nette sera taxée (taux de 16,5 ou 33 %).
L’imposition sera d’autant plus élevée que le « noir » a été important.
Et la période de hausse spectaculaire du marché que nous connaissons ne pourra qu’accroître la base taxable.
9) Aucune des parties à la transaction ne pourra avoir tous ses apaisements.
Le vendeur devra attendre longtemps avant d’être sûr de ne pas avoir été découvert.
De son côté, presque toujours, l’acquéreur ne connaît pas la provenance de l’argent reçu sous le boisseau.
Que fera-t-il s’il s’avère que cet argent présente une origine douteuse (réseau, organisation criminelle, fraude, blanchiment, etc.) ?
Dans certains cas, il pourrait être interrogé ou inquiété.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Sûrement pas.
10) L’administration fiscale est très bien équipée.
Elle dispose d’outils performants pour déceler un prix anormal.
Elle peut par exemple étudier et comparer les prix récemment obtenus pour des ventes de biens similaires dans le même quartier. Or, dans ces prix, il en existe souvent quelques uns qui portent sur des biens vendus publiquement.
Dans ce cas, par définition, aucun argent en noir n’a été versé, ce qui augmente la fiabilité de l’information…. Le risque ? Le fisc estimera supérieure la valeur du bien et la taxera en conséquence au même taux, outre la réclamation d’amendes.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît fortement déconseillé de proposer ou d’accepter de l’argent non déclaré en plus du prix officiel.
D’ailleurs, dormir sur ses deux oreilles n’a pas de prix.